La journée de la femme est tout d’abord pour moi celle de la
communion et du partage, ainsi que des manifestations pour rehausser notre
image. Une journée pour fêter le droit de parler sereinement, d’expliquer ce
que l’on ressent sans être catalogué de sexiste féministe, et où l’on peut même
se payer le luxe d’être irritantes. Une journée de sororité et de solidarité entre membres
considérées depuis toujours comme faibles et inférieures, et qui tiennent cependant
la moitié des responsabilités.
La liste n’est pas exhaustive, mais voici quelques-unes de
mes différentes impressions ainsi que sentiments, à l’évocation de
cette miraculeuse journée.
Une journée de goût avant tout, pour toutes ces tendres
mères qui concoctent cent plats délicieux des quatre cinq ingrédients dont
elles disposent. Elles inoculent la variété de bouquets et de parfums dans les
papilles de leurs enfants. N’y voyez-vous pas une forme de sédition ? Cultiver
la saveur, multiplier les arômes est aussi essentiel que de nourrir les ventres
creux. C’est une introduction à la notion de diversité.
Une journée de courage pour celles qui travaillent à
l’extérieur. Et particulièrement, celles qui touchent les aires chasse-gardées
des hommes. Je pense notamment aux agricultrices, aux balayeuses de rues, à ces
conductrices de train de taxi et de bus, et ces petites mains qui travaillent
dans les ateliers de menuiserie et de mécanique. Juste pour montrer que
lorsqu’on veut on peut, et qu’il n’y a aucune différence dans l’ouvrage
accompli, quel que soit le sexe de celui qui l’a exécuté.
Une journée de larmes sur ces opprimées, ces enfermées, ces
spoliées de leurs droits. Celles qui se battent tous les jours afin de sortir
des murs de leurs prisons, et qui ne trouvent ni épaules réconfortantes pour
les aider, ni même oreilles attentives pour compatir de leurs conditions. Un
rappel pour les secourir, les entourer, et les assister.
Une journée de joie pour celles qui ont tout et en demandent
davantage. Toujours plus, des bribes que certaines autres ne songent depuis
longtemps plus à réclamer. Seulement pour donner au rêve une base concrète, et
que chacune puisse prendre exemple, repousser les limites, et s’enorgueillir
d’explorer les infinies possibilités ancrées en nous.
Une journée de colère pour faire part de mon aigreur contre celles
qui acceptent tout et baissent les bras. De fureur contre celles qui n’aident
pas, qui ne s’expriment pas, qui ne revendiquent rien. Une journée pour les
secouer et les réveiller afin qu’elles comprennent que tout ce qu’elles
pourraient construire les abritera, et servira leurs filles, les filles de
leurs filles, et ainsi de suite jusqu’à la fin des temps. La résignation et
l’avarice sont parmi les pires fléaux qui affligent l’humanité.
Une journée de compassion pour toutes celles qui sacrifient
tout, et dont l’altruisme pousse à renoncer même à leurs principes et morale.
Prêtes à entrer en enfer s’il le faut, leur objectif premier est d’éviter de
voir la famine habiter le corps de leur progéniture ; les couvrir et leur
offrir un toit, devient leur seule priorité. Elles peuvent vendre n’importe
quoi, font des étals d’objets dérobés parfois, et commercent même dans la
contrebande. Et puis il y a celles qui pavent les rues et usent du négoce de
leur corps, qui ne font pas ça par vocation mais par obligation, comme une
ultime offrande afin de soutenir leurs familles. Une journée pour leur donner
de la considération, pour estimer leur sueur, faire preuve d’empathie et les
traiter avec déférence.
Une journée de fierté pour celles qui en sont sorties.
Celles qui ont vaincu leurs tyrans, qui se sont relevées et ont brisé leurs
carcans. Et pour celles qui ont entendu l’appel à la liberté et suivent les
indélébiles empreintes ou joignent les rangs de ces femmes modèles que nous
mettons sur un piédestal et admirons tant. Une journée de l’émancipation.
Une journée de soins naturels, de beauté et de développement
personnel, pour toutes celles qui ont envahi ces domaines et qui brillent ces
derniers temps comme des étoiles au firmament. Elles représentent l’esthétique
et le raffinement, aussi bien le visible que l’enfouie dans les profondeurs de
l’âme. Elles introduisent la joie et le sourire dans les cœurs les plus endurcis.
Une journée de l’harmonie et de tous les arts. De danse et
musique, de lecture et écriture, de peinture et gravure, ainsi que des diverses
expressions de la créativité, afin d’élever nos esprits au-dessus du balisé, du
commun. Une journée de foisonnement, d’abondance et de fertilité pour toutes
celles qui veulent laisser des traces derrière elles, que ce soit par des
enfants, par des œuvres de bienfaisance, ou encore par des créations. Une
journée d’altruisme, de générosité et de don de soi.
Une journée où l’on est debout, épaule contre épaule. Pas
seulement entre nous, mais aussi dans la mixité avec nos frères. Ces hommes qui
nous considèrent comme leurs égales et nous honorent de leur amitié. Qui nous
respectent, nous défendent et donnent la priorité à nos revendications. Ceux
qui se battent avec autant d’acharnement que nous pour faire entendre nos voix
et plaident nos droits. Je profite de l’occasion pour leur témoigner ma
gratitude et ma profonde considération pour leur grande conscience, et pour
leur emboîtement aux pas de ce titanesque combat de la parité.
Une journée qui vaut tous les autres jours de l’année
finalement. Une journée d’affection et d’amour pour vous tous qui me lisez. Une
journée volubile pour les oratrices et les conférenciers du monde. Une journée
de paix et de sérénité pour tous ceux que je connais et même ceux que je n’ai
jamais rencontrés.
Une journée d’espoir pour terminer, afin que cette journée
dure indéfiniment.