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Artisan orfèvre des mots Spécialisée en filigrane.

lundi 16 décembre 2019

Les mots vrais



Il y a des mots que l’on pose
Comme des choses
Ils sont concrets,
Touchants de consistance
Ils ont une densité et une présence
Sont bouleversants
Et inespérément réels
Des mots immortels assis sur la paroi du monde

Ils ne sont pas les mêmes pour tous
Et combien en sont dépourvus
Combien sont dans l’attente de ces mots tendres
Car ces mots gouttent de sentiments
Ils submergent
D’une brève intensité
Ils ne durent que le temps de les prononcer
Prennent leur souffle d’une sensibilité occultée
Qui se lâche
Et marque l’esprit qui les reçoit
Ils s’étendent et hantent l’âme
Ils deviennent puissance, une énergie
Qui ensoleille le cœur
Qui le met en accord et en harmonie
Du corps

Ce sont des mots étreinte de chaleur
Qui se pose en lisière
De l’émotion intérieure
Ils l’allègent et l’embellissent
Ils guérissent.


mercredi 4 décembre 2019

Chroniques et Fragments de Marrakech - Préambule




Préambule

À chaque fois que j’arrive à la pharmacie, j’ai l’impression de traverser l’espace-temps. J’y atterris en réalité, comme téléportée d’un univers à un autre.
Ici, nous avons encore Lalla Kabbour, Sid Lhaj*, pour une raison qu'on ne sait pas, et Lal’ T'hor. Ici, le pain est encore pétri à la main et traverse le quartier sur sa planche en bois, avant d’être enfourné par Moul Lfarrane*. Ici, on promène en main un seau avec tassa* et saboun lbeldi*, une bonne louchée de henné sur la tête et débordant sur un zif* blanc. Et on donne un pourboire à Lgallassa*, afin qu’elle garde un œil sur les vêtements de rechange. On mange lehsouwa* au réveil, puis Chfanj* en petit-déjeuner sans se soucier de l’huile de friture, qu’on essuie à peine avec du papier glacé. On compte sa monnaie après l’achat d’un cône de sucre, et on donne les dernières pièces au premier mendiant qu’on trouve. On se fait un thé, on offre un verre rempli à raz-bord à la voisine, et on garde gracieusement les enfants des unes et des autres, parties aux courses quotidiennes.

Ici, c’est encore et toujours Marrakech. Les coulisses d’une ville que l’on peut comparer à un studio géant de cinéma, avec ses acteurs célèbres et ses décors fastueux. La seule chose qui ne change pas de part et d’autre de la scène, c’est la fumée des motocyclettes et des voitures, ainsi que les murs qui rougissent régulièrement par un dernier maquillage. La technologie est bien rentrée ici également, elle est sur les portables allumés en permanence sur des youtubeurs divers ou des recettes dont on aimerait bien pouvoir s’acheter les ingrédients. Et il y a aussi cette autre chose, que l’on peut qualifier d’universelle: le regard des enfants et des adolescents. Cet espoir qu’on lit dans leurs yeux... et qu’on espère ne jamais voir disparaître. Et dont on scrute ici les dernières lueurs, au fil des ans, au fil des saisons, alors qu’ils s’enfoncent dans la vie courante...
Quelques éclats persistent ici et là, quelques déménagements et vagues emportent certains, mais la majorité perpétue ce pour quoi ils ont été conçus... Et c’est ainsi, depuis que je travaille ici, depuis trente ans.


Des rues ont changé leur fin revêtement, et sont reprisées par divers travaux. Des petites bâtisses et des garages ont abandonné le zinc, et les cours où résistaient quelques petits troupeaux, pour le remplacer par des briques et du ciment et monter d’un étage. Des poches de résistances persistent, et on trouve encore des toits de roseaux enchevêtrés et talochés d’aggloméré, on dira après que c’est la nature qui s’est infiltrée et a emporté les plus fragiles. Parfois, j’ai l’impression que l’expression "poche de résistance" a été ironiquement inventée pour eux, car c’est les mêmes qu’on peut qualifier de sans-poches. Ils sont ouvriers, vendeuses de légumes, amuseurs et amuseuses publics ainsi que travailleurs en tous domaines manuels. Quant à ceux des petits garages, le ferronnier est toujours là, avec sa tourneuse infernale, qui vous vrille la tête et les tympans. Il reste toujours cyclist’, surchargé de pneus, et plus loin son compère de réparations diverses automobiles et sa montagne de pièces usées de rechanges, qui s’y met quand bon lui semble et n’ouvre pas des jours entiers, sans prévenir et sans raison particulière, et surtout sans que personne ne lui en fasse le reproche. On vient, et si c’est ouvert, c’est ouvert, si c’est fermé, et bien on s’en retourne et on revient un autre moment ou bien le lendemain. Chacun travaille comme il lui plaît : Lpissri*, Lmahlaba*, les nouveaux magasins del’khourda*,  côtoient la remise où s’entrepose et se vend le pain sec au gros. Il reste également le souk quotidien et aussi l’hebdomadaire.

Ici on ne côtoie pas de palmiers. La vie semble n’avoir pas changé au fil de toutes ces années, bien qu’une agence cash se soit implantée au milieu de tout cela. Même les écoles et collèges qui me font face ont gardé la même façade, à peu de choses près. Le changement est si lent ici, qu’on dirait que le temps s’est arrêté, qu’il s’est distordu, s’est empâté et peut se mâchouiller. Certains parleraient d’authenticité, je ne suis pas certaine que ce terme convienne. C’est un mot qui me rappelle celui de folklore, que certains emploient pour nommer la musique populaire. Mais qu’en sais-je ? Je ne suis ni sociologue ni linguiste ni n’ai l’œil touristique. Je taloche, moi aussi, le portrait d’un bout de quartier, sans y porter de jugement. Je parle avec ma sensibilité de vraies personnes, de gens vrais, et non de "petites gens", comme certains aiment à les qualifier. Je décris ceux qui ont construit les décors spectaculaires de la ville, et qui ne sont pas tous aimables. Ils sont cependant et dans leur grande majorité bienveillants, et peuvent tout à fait être représentatifs de près des deux-tiers des citadins de ce grand pays. À la seule différence de la profondeur du fossé des contrastes qui sépare ce quartier, du reste de cette grande ville.

Un dernier point concernant les habitants de ce quartier et qui me touche d’une manière singulière, bien que je m’en défende : Après toutes ces années d’exercice, de relations médicales et amicales, une certaine distance demeure. Elle est probablement due à ce comptoir qui nous sépare, il n’en reste pas moins que je ne me sens pas tout à fait assimilée, et que j'ai cette impression de passagère admise dans un lieu, et que l’on défendrait si cela s’avérait nécessaire. Je suis la sorte d'étrangère, et c’est par un hochement de tête et parfois un sourire, que certains me remercient de la visite.



« Chroniques et Fragments de Marrakech »
Meriem Hadj Hamou


Vocabulaire dialecte employé :
Sid Lhaj : surnom généralement donné à quelqu'un qui revient de pèlerinage
Moul Ferrane : four public de pain
Tassa : petit récipient par lequel on puise l'eau d'un seau au hamam
Saboun lbeldi : savon noir de hamam
Lgellassa : sorte de chef de hamam et qui garde aussi les sacs de vêtements
Lhsouwa : diverses variétés de soupe de semoule
Chfenj : beignets traditionnels
Lpissri : épicerie de quartier
Lmahlaba : sorte de crèmerie, mais avec yaourts, gâteaux et petits pains et sandwichs
del'khourda : vêtements usagers ou neufs de mauvaise qualité en des tas pêle-mêle.

mardi 17 septembre 2019

Et si tu revenais ?


Et si tu revenais ?
L’été nous a éreintés
Nos feuilles desséchées
Attendent un petit souffle
Quelques gouttes de rosée
Pour panser les boutures

Nous allons nous défaire
Retrouver l’essentiel
Du rêve de naguère. 


Traduction en arabe par le poète Mohcine Ghailan :
فهل من رجوع ؟
لقد أنهكنا القيظ
وأوراقنا التي جفت
تنتظر هبة نسيم
بضع قطرات من الندى
لتضميد فسائلها
،ذواتُنا
سنعيدها إلى سيرتها الأولى
ونلاقي من جديد
.روح أحلامنا القديمة

Dans projet : " Cycle amour, nature et écritures "

mardi 9 juillet 2019

Fulgurance...




Il arrive qu’une idée s’échappe d’un vieux songe et se loge dans le cœur.
Une idée toute frêle, modeste, qui n’a encore aucune consistance ni contour. Une idée jamais envisagée et qui tombe comme une miette de pain du repas d’un tribun un jour de faim. Ou comme un coquillage solitaire, dans une promenade sur un rivage désert.

L’idée point comme une lueur, une chance à saisir. Elle est comme une promesse de chaleur dont on connaît inconsciemment le flamboiement. Et nous ne pouvons contrôler ce réflexe, bien qu’elle nous trouve recroquevillés, perdus dans nos désillusions, ternes et sans appétence, pliés dans l’irrévérence.

Comme un don que l’univers a décidé de nous prêter, elle possède un attrait qui montre un chemin à emprunter. Alors aussi fantaisiste soit-elle, aussi ténue sa prescience, aussi improbable sa permanence, il est toujours intéressant de la suivre. De tenter de la cultiver afin de voir si elle peut prospérer. Elle n’est certainement pas le fruit du hasard, mais d’un instinctif et intérieur espoir, qui se manifeste comme une fulgurance de beauté.

Quand bien même elle n’éclate qu’un instant, si elle est éphémère - comme la joie ou comme l’amour -, son rayonnement aura éclipsé l’espace de son passage nos sombres pensées.
Et même si elle n’est pas destinée à être notre voie, pour toujours elle sera l’étoile qui scintillera dans le ciel de nos nuits froides.


dimanche 30 juin 2019

Floating...







Flotter
Donne l'impression que tout est possible,
Qu’une main vous maintient en équilibre
Et que l’infini du ciel se répand
En profondeur
Dans ton cœur.
Se laisser glisser
Afin de prolonger la grâce,
Et ressentir l’envasement du temps
Et la liberté de chaque instant.



mercredi 26 juin 2019

Le jour est un territoire infini




Le jour est un territoire infini
De germes de beauté et d’harmonie
Le matin naît compact et à l’aurore se déploie
Il est un paysage et un voyage entre le visible
Et l’intemporel insaisissable.

Cultiver son regard
Pour sonder cette conscience
Par son âme et sa science
Est l’essence
Qui réverbère la lumière.

dimanche 28 avril 2019

Eveil...




Le jour est à portée de voies,
Il étire ses bras sortis de la nuit
Et les étend
Pour prendre son élan

On y entre par le bleu
Ou par la couronne de feu.


jeudi 28 mars 2019

Je plante un sourire



Je plante un sourire
Dans ton cœur,
Je l’arrose
De ma prose
Et attends que sa fleur
Dérobe ta douleur...


mercredi 6 février 2019

لباس العفة





العفة ليست قطعة قماش
و لا هي زغب أذقان
بل هي تحلي النفس بجوهرة النقاء

العفة رداء و ليست لباس
هي رداء الأخلاق
هي وضوح النواة
هي حسن الطوية الذاتية
الاحترام الذي يظهر على وجه
كل صادق و صادقة
فليست هي مظهر
لباس تنكر

العفة مقياس
يتحدى كل منبر أو لباس
ففي هذين رياء و غموض
و في داخل العفة شظية بهاء
تعتلي الهيئة
فهي رداء نور إكبار وجيه
يجتاز كل تحريف و تحديق

samedi 2 février 2019

Pensées d'une journée spéciale




Aussi paradoxal que cela soit, les douleurs du corps, celles pour lesquels on souffre le plus fortement, et dont le tourment est si intense qu’on a l’impression d’être déchiré, ou que notre cœur est sur le point d’exploser, sont celles que l’on oublie le plus facilement et avec grande célérité, dès leur soulagement…
Les douleurs de l’âme, elles, ne s’oublient pas. Et même lorsque nous avons l’impression de les avoir surmontées, aux moments les plus heureux de notre existence, il suffit d’un oblique d’une ritournelle pour qu’elles reviennent, éternelles, aussi puissantes que l’amertume d’une olive cueillie sous le soleil d’un automne. Aussi revêches à toutes consolantes. Aussi réelles et affligeantes…

Ces douleurs-là sont celles qui nous font verser des larmes denses. Elles fertilisent le champ de l’esprit, et cultivent les germes fragiles de notre humanité.


jeudi 10 janvier 2019

Plaidoyer pour que le Nouvel An Amazigh soit férié au Maroc,



Lien de l'article publié par le Huffington-post



Férié - Tout d'abord parce que c'est une très belle occasion pour s’amuser et faire la fête, et ensuite afin de rendre hommage à nos origines, notre culture et notre langue amazighes. Et si toutes ces raisons ne sont pas suffisantes, sachez que le Yennayer Amazigh, daté pour cette nouvelle année en 2969, est l’un des rares calendriers au monde à avoir un référent historique, sans aucune influence confessionnelle. Il est donc purement laïc, capable donc d’accueillir et fêter toutes religions, sans aucune discrimination.
Le calendrier débute de l’accession au pouvoir en Égypte du pharaon Amazigh Sheshong, qui s’est passé 950 ans avant l’ère chrétienne. Une date choisie par le conciliabule de représentants amazighs du bassin méditerranéen dans les années 60. Ils se sont référés à l’histoire, ainsi qu’à l’apogée au pouvoir de cette culture. Une symbolique, certes, mais tout aussi respectable que les dates retenues par les autres calendriers religieux. Cependant, il est évident que du fait qu’il soit agraire et s’appuie sur les saisons, son origine remonte aux premiers habitants de l’Afrique.

Le peuple Amazigh parsemé dans toute l’Afrique du Nord et une partie de l’Orientale a historiquement fait preuve de savoir-vivre, de partage et de convivialité. Il a su accepter les civilisations et religions dominantes qui ont colonisé ses terres, et s’en est inspiré et enrichi. Il en a adopté certaines et a fait preuve de respect et de tolérance vis-à-vis d’autres. C’est un peuple éminemment conciliant et pacifiste, qui a su se défendre quand il le fallait également. En témoigne sa culture et sa langue, qui ont survécu malgré toutes ces influences, et qui véhiculent dans leurs chants et contes, dans leur histoire écrite et celle réservée au patrimoine oral, cette essence de liberté, des droits et valeurs humaines universelles, et de défense de l’égalité, avec une place importante accordée aux femmes. Les enfants de Tamazgha sont également foncièrement enracinés à leur culture et terre, et en sont fiers.
Ils portent tout cela dans leurs gènes et leur sang, dans les rêves qui ont habité leurs ancêtres. Une conscience identitaire qu’ils revêtent comme une seconde peau, et qu’ils ressentent comme un membre amputé et fantôme, pour ceux qui n’ont pas eu la chance d’en être bien imprégnés. Mais elle est bien là, toujours aussi présente, avec ce besoin instinctif de la protéger et de l’honorer, afin que ce feu sacré et originel ne s’éteigne pas.

Alors consacrer une journée nationale à la culture et à la langue amazighes, une journée de joie et de partage à l’occasion de ce Nouvel An, serait un juste retour des choses. Un retour sur soi d’ailleurs, pour nous Marocains à près de 60 % amazighophones et pour le restant Darijophones, venus ou issus de brassage et d’immixtion avec l’Arabe, le Français, l’Espagnol, et également ceux de confession et langue Hébraïque.
Dans l’article 5 de la constitution de 2011, il est dit : "l’Amazighe constitue une langue officielle de l’État, en tant que patrimoine commun à tous les Marocains sans exception". Pour ma part, j’ajouterai que la culture amazighe est le patrimoine commun à tous les Marocains.
Maintenant qu’on s’est affranchi des clichés folkloriques et de la minorisation imposée à notre culture ancestrale, en introduisant son apprentissage à l’école et en officialisant sa langue, il est temps d’aller de l’avant et de considérer cette culture comme Majeure. De lui rendre toutes ses lettres de noblesse, et de l’honorer comme il se doit par une journée de festivités fériée.

Assegwas Ameggaz