En lettres de sang, j’écris ma consternation, ma
condamnation et mon innocence. Je suis Manchester, Londres, Munich, Paris, Nice,
Istanbul, Tunisie, Syrie, Bagdad, Indonésie, Casablanca, Marrakech et tant et
tant de villes et de pays. Je suis tout ce que vous voudrez, si tant que vous
ne me blâmez plus, que vous ne me mettez tout sur le dos.
Je suis cette mère de famille qui reçoit ces
étrangers, amis de ses enfants, et qui se justifie et s'explique avant de s'éclipser pour faire ses prières, de crainte de les inquiéter. Je suis ce vieux musulman, résidant en France, qui rase les murs et baisse la tête
quand il vient chercher sa pension d’ancien combattant.
Je suis ce guide marocain qui rassure les touristes dès que l’Adaan se met à
retentir. Je suis ces jeunes parents, habitant dans leur pays musulman pourtant, et qui donnent à leur enfant un prénom éloigné de leur culture, de peur qu'il n'ait à souffrir un jour d'ostracisme, qui seraient prêts à changer de nom, s'il le fallait, afin que leurs enfants ne soient victimes de racisme...
Je me défends de pratiquer, ou de m’émouvoir de la solennité des prieurs pendant les tarawihs. Je trinque et fais
semblant de boire pour montrer que je suis ouvert d’esprit. Je ris de toutes
les mauvaises blagues sur ma religion, et me prétends non
croyant. Je change même de croyance, alors que celle de ma naissance est inscrite sur mon
visage.
Que dois-je faire pour vous satisfaire ? Pour
vous faire taire ? Pour que vous ne fassiez plus l’amalgame ? Pour
que vous arrêtiez de me critiquer ?
Je hais, encore plus que vous, tous ceux qui détournent
ma religion, qui l’utilisent comme prétexte pour leurs crimes odieux. Ils ne
sont pas moi, je les condamne et les voue aux géhennes, et à tous les enfers de
toutes les religions. Je suis leur première cible, le nombre de mes
coreligionnaires atteints de leur folie excède de très loin vos victimes. Ma voix
s’enroue de cris et de pleurs pour toutes les victimes innocentes, les blessés
et les traumatisés. Mon âme est en communion avec leur douleur, et celle de
leurs familles et proches.
A l'encre indélébile, en lettres de feu, j’aimerais
inscrire dans le ciel mon message de paix afin qu'il soit visible pour tous. Je
tatouerais les mêmes sur ma peau découverte, si cela pouvait vous convaincre…
Je
n’ai pas honte d’être moi, mais de voir vos regards sceptiques et vos sursauts
dès que je passe à côté de vous me donne envie de disparaître, de me terrer. Je suis né musulman, c’est inscrit dans mes gènes
et mon sang, que j'offre régulièrement, et que je déverserais volontiers si cela pouvait vous consoler, vous soulager au moins…
J'allume une bougie pour la paix et me brûle les doigts pour sentir votre douleur... Que puis-je faire de plus ?
J'allume une bougie pour la paix et me brûle les doigts pour sentir votre douleur... Que puis-je faire de plus ?