J’ai vu la pauvreté briser l’orgueil.
J’ai vu le mal, les traces profondes de blessures
et de boucles de ceintures dessinées sur le corps de victimes. J’ai vu des
larmes, des sillons creusés sur les joues de celles qui subissent tous les
jours des humiliations. Elles se plaignent à demi-mot, chuchotent leur détresse
par peur d’être entendues, d’être montrées du doigt. Elles savent qu’elles ont
perdu leur fierté dans ce titanesque ring d’injustices humaines, et se
raccrochent à ces derniers fragments de dignité. Elles ont entendu leurs mères,
leurs sœurs, leurs tantes et cousines, leurs voisines et toutes leurs proches
se faire cogner. Elles ne veulent pas en parler, juste soigner le mal et s’en
aller loin.
Doit-on les juger pour autant ?
Doit-on les blâmer, les sacrifier sur l’autel de
nos pensées grandiloquentes de justice humaine ?
Chaussées de misère, elles sont devenues serpillières,
des torchons qui essuient tous les mauvais coups de leurs tortionnaires. Vêtues
d’idées séculaires sur la prééminence des hommes, d’analphabétisme, et d’ignorance
de leurs droits, elles acceptent avec fatalité tous les tourments. Qu’elles
soient chez leurs époux ou chez leurs parents, les coups pleuvront sur elles…
L’acharnement dont elles sont victimes ne s’arrête
pas là, il continue par la société bien pensante, à chaque fois que sort un
article quelconque qui les décrit, ou un sondage… Bien sûr elles répondront en
majorité trouver cela normal, mais ce sont des paroles en l’air, des mots qu'elles
profèrent pour cacher, pour justifier, le mal dont elles sont victimes. Légitimer sa
détresse est le premier réflexe humain.
Nous savons tous que c’est la pauvreté tant matérielle
qu’intellectuelle qui les pousse à embrasser ces notions d’inégalité. Nous
savons tous que c’est notre société toute en disparités, et en manque d’humanisme,
qui en est responsable.
Posons-nous les vraies questions. Blâmer la
victime au lieu de blâmer les bourreaux ne nous grandit pas !